La Nation Bénin...
Il y a toujours quelque chose de fascinant dans le mystère de l’Église, aussi à travers l’élection du Successeur de Pierre. Quasi l’humanité entière était en attente. Au-delà de la méthode et des procédures du conclave, l’âme de l’Église s’exprime, déjouant presque souvent diagnostics et pronostics médiatiques, géopolitiques ou stratégiques.
Cette
âme, c’est Dieu qui convoque son peuple en Église. Cette âme, c’est le Christ
qui a confié Son Église à Pierre et y est toujours présent. Cette âme, c’est
l’Esprit Saint qui anime le peuple saint. Si le but est souvent dans le début,
qu’augure ce pontificat, à partir du nom, de la première apparition et des
premières paroles ?
Léon
XIV : ce nom évoque celui de Léon XIII, pape dont l’époque ressemble à la
nôtre. Ce temps de grande industrialisation était marqué par l’oubli de Dieu.
Léon XIII avait alors, par de nombreuses encycliques, souligné la nécessité de
Dieu. Aujourd’hui, les progrès sont inouïs et vertigineux. Cette hypertrophie
des moyens charrie une cruelle atrophie des fins. Notre monde a besoin de
réapprendre Dieu et son langage. Léon XIII est aussi reconnu pour la première
encyclique sociale, Rerum Novarum (1891), où il a indiqué les limites du capitalisme
et du marxisme. L’homme, route de l’Église, a aujourd’hui besoin d’être remis
au cœur du progrès, pour ne pas en devenir l’esclave.
Léon
XIV est apparu à la Loggia des bénédictions, vêtu de la mozette de velours
rouge sur la soutane avec l’étole : peut-être un signe de sa conscience
d’habiter le ministère en assumant, même par la posture, la tradition. La
tradition est une garantie de fidélité et un repère pour l’avenir. Et son
premier discours était écrit. Il manifeste ainsi une culture institutionnelle.
L’Église est autant institution et corps mystique. D’ailleurs, ces temps
complexes ont besoin d’un langage précis : un petit mot éveille et enflamme
inutilement des polémiques médiatiques.
Ses
premiers mots : « La paix soit avec vous », salutation biblique et liturgique.
La paix renferme tous les biens de Dieu aux hommes. « Paix désarmée et
désarmante, humble et persévérante ». L’avènement de cette paix dont le monde a
un urgent besoin requiert le sens de la justice, la création des ponts et la
pratique du dialogue. Le pontife, n’est-ce pas celui qui établit des ponts ?
Notre société où se dressent barrières et murs a besoin de pontifes et de ponts
comme nos cœurs devenus des îlots d’indifférence.
Le
premier discours est fortement théocentré, dans la fidélité à Saint Augustin
dont Léon XIV a rappelé être fils. Celui-ci a évoqué en ce court texte, au
moins 16 fois Dieu, par des formules simples et profondes : « Dieu nous aime.
Le mal ne l’emportera pas. Dieu nous aime inconditionnellement. Sans peur, main
dans la main avec Dieu et entre nous, allons de l’avant ». Ce doigté pastoral
est central : partir de Dieu.
Léon
XIV a aussi rappelé la mémoire de son prédécesseur dont il est d’une certaine
manière, le fruit du discernement: «Merci à François » a-t-il dit, en saluant
le courage de sa dernière apparition. L’Église porte cette belle tradition de
valorisation de l’héritage reçu : les ministères dans l’Église ne sont pas
concurrents. Nous sommes grands en reconnaissant le bien qu’est ou qu’a fait l’autre.
Léon
XIV a également exprimé sa vision d’une Église synodale en lien avec l’unité,
par l’emploi deux fois du terme « ensemble»: marcher ensemble et chercher
ensemble pour devenir une Église unie entre tradition et progrès dans la foi,
entre Église universelle et Église locale.
Ce nom, cette première apparition et ces premières paroles annoncent, les temps le confirmeront, un ministère de continuité dans la discontinuité, un magistère de synthèse.